mardi 7 mars 2017

Le Nombril de Ganesh par Thierry RAINOT - Chapitre 3 (dernière partie)

De leur côté, Martinou, Poucy et Pirouly après s'être rejoints, avaient déambulé au milieu des stands. La rue fraîche leur avait rosis les joues. Mais il faisait suffisamment bon pour que les villageois s'attardent par petits groupes pour échanger leurs impressions sur l'organisation, ou se donner des nouvelles entre vieilles connaissances. Certains berçaient machinalement une courge ou une citrouille tout en plaisantant sur des sujets divers et variés. La maman de Poucy avait rencontré un grand succès avec ses peluches "encitrouillées". Le père de Pirouly avait vendu tous ses pots de pâté et les pâtes à sel de Cerise avaient suscité beaucoup d'admiration.
Quand les M and P's, moins Mirliton, franchirent les grilles de la petite école pour la tombola, Mr Bartichaut exhibait fièrement sa reine des citrouilles devant un groupe de visiteurs extasiés.
- T'as ton ticket, toi ? demanda Pirouly à Martinou.
La jeune fille sortit son ticket et le brandit sous son nez en guise de réponse. Il portait le chiffre 252.
Poucy, elle, avança le chiffre 302.
Le garçon lorgna sur son ticket.
- Oh, c'est curieux, j'ai le 303, s'étonna-t-il.
Martinou jeta un œil par-dessus son épaule.
- Que fait Mirliton ? Il me semblait l'avoir aperçue... Elle va manquer le tirage. Heureusement que je lui ai pris son ticket et que je connais son numéro. C'est celui qui vient juste après le mien : 253.
- Oui, j'ai aperçu Ronflette qui remontait la rue en tenue de Corbac. Il a dû la laisser.
- J'espère qu'elle ne s'est pas faite ennuyer par le para...
- Non, regarde, il est à la buvette, montra Pirouly à sa camarade. Mr le maire a trouvé le moyen de le faire tenir tranquille. C'est open bar : limonade à volonté.
Les filles rirent de la boutade.
Justement, Mr le maire s'avançait au milieu de la cour, les bras chargés d'une urne en bois qu'il déposa sur une table entourée de paquets de diverses tailles, les lots à remettre, probablement.
- Je suis sûr que le plus gros paquet est une télé, supposa Pirouly tout excité.
- Tu veux parier ? plaisanta Poucy.
- Euh, la tombola me suffira pour tenter ma chance...
Mr Probusse remercia ses administrés d'être venus si nombreux et, après quelques mots sur cette belle journée, il déclara le tirage ouvert.
Mirliton n'était toujours pas réapparue.
Les lots commençaient à partir. La mère Louisette, doyenne du village, remporta un panier garni trop lourd pour elle. Mr Probusse lui promit de lui faire porter à son domicile. Celle-ci insista quand même pour goutter à l'un des fruits. Elle jeta son dévolu sur un kiwi qu'elle croqua à pleines dents, enfin, surtout à deux dents, avant même que le maire n'ait pu la prévenir qu'il fallait éplucher ce type de fruit. Martinou et ses amis s'amusèrent bien de la grimace que provoqua cette bouchée chez la vieille bigote qui n'avait pas toujours été tendre avec eux. Son péché de gourmandise était aussitôt puni.
Martinou ne put retenir un cri de joie quand le numéro 253 fut énoncé par le maire. C'était le ticket de Mirliton.
Tous les trois étirèrent le nez de tous les côtés pour voir si leur amie se manifestait d'un quelconque endroit de la foule. Mais celle-ci ne se montra pas.
Martinou se faufila alors jusqu'à la table de tirage au sort pour expliquer au maire qu'elle savait qui possédait ce ticket et qu'il fallait donc réserver le lot. Il la rassura aussitôt en faisant mettre de côté le punching-ball que venait de remporter la jeune parisienne.
Poucy était déçue car c'était un lot sur lequel elle lorgnait depuis le début.
Si Pirouly n'avait rien remporté, il avait du moins vu juste en ce qui concernait le lot le plus volumineux. Il s'agissait bien d'un téléviseur qui échut à un jeune couple récemment installé à Barroy.
Quand tous les lots furent distribués, le maire conclut :
- Merci de votre participation. Je vous donne rendez-vous dans une heure pour la remise de la citrouille d'or du meilleur exposant. Notre jury entre à l'instant en délibération. Amusez-vous bien en attendant.
Les barrésois se dispersèrent.
- Bon, cherchons Mirliton. Ça va faire trois quarts d'heure qu'on ne l'a pas vue. Ça commence à m'inquiéter.
Poucy et Pirouly partageaient le sentiment de leur camarade.
- Essayons de voir si Ronflette peut nous aider.
Ils remontèrent la rue principale sur le tronçon allant de la boucherie à l'épicerie. Ils aperçurent bientôt celui-ci qui redescendait vers eux en faisant des pas de géant. Il avait l'air furibond.
Lorsqu'il arriva à leur niveau, Martinou tenta de l'intercepter :
- Excuse-moi, tu m'as l'air pressé, mais, peux-tu nous dire où se trouve Mirliton ?
Le visage de toile se tourna vivement vers elle. Malgré la face d'épouvantail débile, elle sentit une expression de défiance dans le port de tête.
- Ça va Ronflette ? T'as pas l'air dans ton assiette ? demanda-t-elle en posant une main compatissante sur le bras de paille.
Celui-ci réagit en repoussant sa main violemment et l'écarta de son passage sans ménagement.
- Hé ! Qu'est-ce qui te prends ? Ça va pas bien, hein ! s'insurgea Pirouly, en poursuivant l'épouvantail. On te demande juste si tu as aperçu Mirliton. On l'a pas revue depuis près d'une heure.
Corbac stoppa net sa marche. Il secoua les épaules en signe d'ignorance, jeta un œil autour de lui. Les gens l'observaient bizarrement. Il repartit en direction des écoles.
Énervé, Pirouly grinça entre ses dents :
- Mais il va pas s'en tirer comme ça lui. Pour qui il se prend ? Hey, attends !
Martinou et Poucy allaient lui emboîter le pas quand un des voisins de stand de Cerise les aborda.
- Martinou, il y a un client au stand de ta mère mais je ne la trouve pas. Elle a dû avoir une urgence, car elle est partie précipitamment il y a quelques minutes et elle n'est pas revenue. Tu peux t'occuper du monsieur ?
La jeune fille dut accepter.
- Je vais voir au stand de ma mère ce qui se passe et je vous rejoins dès que j'ai fini. Voyez ce qui arrive à Ronflette et essayez de trouver Mirliton. Qu'est-ce que tout le monde a à disparaître tout à coup ?
Poucy rejoignit donc Pirouly sur les traces de Corbac.
Le jeune garçon avait presque rattrapé son ami déguisé quand il le vit stopper sa course au niveau de la mairie. Là, quelque chose devant semblait lui barrer le passage. Pirouly dut se pencher de côté pour apercevoir ce qui l'empêchait d'avancer, le costume large de Corbac lui masquant l'angle de vue.
Alors, lui et Poucy qui arrivait derrière, crûrent qu'ils voyaient double.
En plein milieu du carrefour, là, devant Corbac saisi d'épouvante, se tenait Ronflette, son alter ego.
Surgi d'une petite porte en bois qui jouxtait la cour de la mairie, le cadet des Bartichaut se tenait debout en tee-shirt, caleçon et chaussettes, le souffle court et un morceau de sparadrap collé sur la joue et à son poignet droit.
Tous les regards étaient tournés vers ce duel improbable que formaient Ronflette et sa créature, se demandant autant ce que le garçon faisait dans cette tenue en pleine fête et en automne, que comment il pouvait être à la fois sous le costume de Corbac et devant Corbac.
Poucy et Pirouly semblaient les plus éberlués de tous.
Mais qui était donc sous le masque de l'épouvantail ?
Ronflette, dont l'expression du visage montrait qu'il semblait prêt à en découdre, leur apporta un début de réponse en levant une main tremblante mais accusatrice vers le personnage fantoche.
- Lui, là... Il m'a attaqué et ligoté pour prendre ma place, lança-t-il d'une voix pleine de rancoeur.


Corbac, en levant les bras pour bien montrer qu'il était inoffensif et qu'il était sans arme, fit surgir des poches de sa veste les petits rats des champs qui ricanèrent comme des enfants facétieux.
L'épouvantail fut le premier surpris.
Profitant de cette diversion, Mr Bartichaut et Mr Roulier étaient sortis de derrière leur stand et se dirigeaient de chaque côté de l'épouvantail délinquant.
Celui-ci tourna sur lui-même pour juger de la situation. Son air ahuri laissait douter qu'il en était capable.
La rue principale était bondée jusqu'à l'arbre de la victoire. Cette foule comportait sûrement quelque héros susceptible de stopper sa fuite. D'un côté, la cour de l'école, de l'autre, celle de la mairie : des culs de sac. Devant lui, la route descendant vers l'église était encombrée de camionnettes et voitures qui en bouchaient l'accès.
Il n'y avait qu'une possibilité pour lui, la rue de la poste, suffisamment dégagée pour lui offrir une issue. Il y avait bien Ronflette sur son passage...
L'épouvantail prit soudain sa décision et s'élança sur le jeune Bartichaut en sous-vêtements avant que le père de celui-ci et Mr Roulier ne puissent l'intercepter.
Mais Ronflette, en sportif solide sur ses jambes, parvint à le saisir à la taille et tenta de bloquer sa fuite.
La créature se débattit vigoureusement. La scène parut surnaturelle à Poucy et Pirouly. Ce personnage, créé de toutes pièces par Ronflette, semblait avoir pris vie par quelques incantations d'un sorcier vaudou.
Corbac se défit de l'étreinte de son créateur en le jetant à terre, puis, il s'élança en direction de la poste. Mr Roulier, Mr Bartichaut, ainsi que Dédé le cantonnier, qui s'était joint à eux jugeant la situation sérieuse, se lancèrent à ses trousses.
La rue faisait un coude avant d'arriver au bureau de poste. Les trois hommes perdirent donc de vue un instant le fuyard. Ils accélérèrent leur course. Ils furent très surpris de voir soudain l'épouvantail revenir vers eux en courant. Avait-il décidé de les affronter ?
Ils n'eurent pas le temps de s'interroger car, dans le sillon de Corbac, ils aperçurent une grosse voiture beige arriver en trombe. La berline semblait bien décidée à le renverser.
Corbac, dans ses efforts pour fuir la voiture, perdit son chapeau haut de forme qui vint rouler sous le châssis du bolide. Puis, pour ne pas suivre le même chemin que son chapeau, il n'eut d'autre solution que de se jeter dans le fossé herbu qui bordait la route, pour tomber en un roulé boulé magnifique en contrebas sur le chemin de terre menant aux Grands Jardins.
Le père de Ronflette, le père de Pirouly et le cantonnier se figèrent. La Mercedes, loin de ralentir son allure, au contraire, accéléra en les voyant.
Au volant du véhicule, ils reconnurent, éberlués, le lapin bleu et son passager Mr Citrouille.
Ils esquivèrent de justesse le véhicule en se plaquant contre le mur du fournil de la boulangerie.
Comme la voiture folle remontait vers la place des écoles, ils aperçurent le visage d'une jeune fille effrayée qui tapait des poings avec rage sur la vitre arrière. Elle semblait crier de toutes ses forces.
- Mon Dieu ! Ces gars sont en train d'enlever la petite Mirliton, et ils foncent comme des dingues sur la fête du potiron, prévint Mr Roulier, impuissant.


Sans plus prêter attention à Corbac l'épouvantail, qui avait disparu dans le chemin passant sous le village, ils coururent vers les exposants et leurs visiteurs en agitant les mains et en leur criant de se ranger.
Mais les ravisseurs de Mirliton débouchaient déjà dans le carrefour des écoles à la panique générale. La foule s'écarta vivement.
Le lapin bleu et son complice crûrent la partie gagnée, mais soudain, un jeune garçon en caleçon surgit devant eux, brandissant à bout de bras un potiron gigantesque. Il le leur lança avec une telle force, que celui-ci rebondit d'abord sur le capot, enfonçant presque le moteur, et vint s'éclater en une bouillie écarlate sur leur pare-brise.
Le lapin bleu, surpris, puis, aveuglé, donna un grand coup de volant et vint percuter un stand avant de s'arrêter net.
- La gamine s'échappe, cria Mr Citrouille à son complice.
En effet, profitant de l'accident, Mirliton n'avait pas perdu de temps. Elle avait ouvert la porte arrière et s'était jetée sur le bitume avec l'énergie du désespoir. Ronflette se précipita vers elle pour l'aider à se relever, et lui évita de se faire écraser par le chauffard aux grandes oreilles qui tentait déjà de se dégager par une manœuvre nerveuse et aveugle. Les essuies glace eurent de la peine à dégager le jus de potiron qui obstruait la vue. Le lapin fit crisser les pneus et redémarra en trombe pour traverser le village sur les chapeaux de roue.
Martinou, qui se trouvait toujours au stand de sa mère, situé dans le haut de la rue principale, avait entendu les bruits de l'accident et, voyant les gens s'agiter, se douta que quelque chose était en train de se passer. Elle entendit le moteur de la voiture vrombir et les cris des gens.
Elle ne put éviter un cri d'effroi quand elle vit la voiture déboucher à toute vitesse en même temps qu'elle aperçut sa mère traverser le carrefour de l'épicerie, pile sur la trajectoire du véhicule fou.
- Maman !
Cerise tourna la tête. Martinou ferma les yeux et resta bouche ouverte, la tête rentrée dans les épaules.
La voiture prit le virage menant vers Bourbires, évitant de justesse Cerise Pardotti. Mais l'arrière de la voiture, dans ce virage brutal, vint taper contre le stand de pâtes à sel et Martinou se sentit projetée contre le mur de l'épicerie, en même temps que les jolies œuvres de sa mère s'éclataient en mille morceaux sur le trottoir.
La berline renversa les barrières de métal, qui étaient censées bloquer la circulation, et s'enfuit vers Bourbires, par le haut du village. Martinou, se redressant, avait eut le temps de voir le numéro de la plaque d'immatriculation BRX 222.
Elle courut aussitôt vers sa mère, tombée assise au milieu de la chaussée.
- Ma chérie, tu n'as pas de mal ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Qui sont ces fous ? demanda Cerise toute hébétée.
- Ça va maman. C'est toi qui m'a fichue une trouille bleue. Oh ma p'tite maman, j'ai eu si peur. J'ai cru qu'ils t'avaient renversée. Mais où étais-tu ? Je me suis inquiétée. Tout le monde te cherchait.
Cerise ne répondit pas et regarda avec désolation son stand ravagé.
- Ce n'est rien ça. Que des dégâts matériels !
Elle l'aida à se relever.
- Allons voir si personne n'est blessé dans le village. J'ai laissé mes amis un peu plus bas, j'espère qu'il ne leur est rien arrivé.


Elle se précipita, sa mère sur ses talons, en direction des écoles.
Les villageois conservaient encore sur leur visage une trace de l'effroi que cette voiture avait causé en chargeant au milieu de la fête. Les uns aidaient les autres à se soigner, une égratignure par ci, une autre par là.
Une femme faisait une crise de pleurs, encore sous le choc de cet assaut soudain au milieu d'une fête si paisible.
Mme Falouja les intercepta.
- Ah, Cerise, Martinou, c'est bon, tout va bien ?
La mère de Martinou oublia d'acquiescer.
- Poucy et Pirouly sont là-bas avec Grégorien et Myriam, indiqua Mme Falouja pour répondre au regard angoissé de la jeune fille.
Arrivée près de ses amis, elle aperçut Mme Bataille, la secrétaire de mairie, qui enveloppait Ronflette dans une couverture chauffante qu'elle était allée chercher dans le coffre de sa voiture. Celui-ci tenait Mirliton contre lui et la consolait en lui faisant quelques bisous affectueux sur le front.
- Que s'est-il passé ? s'enquit Martinou en arrivant au milieu du groupe formé par le maire, le cantonnier, Mr Bartichaut, Mr Roulier, son fils et Poucy.
- Tout va bien. T'en fais pas, tout le monde est entier. On a prévenu la gendarmerie  qui devrait être là d'un instant à l'autre, tenta de la rassurer le père de Pirouly sans rien expliquer pour autant.
- J'ai relevé leur numéro d'immatriculation. Les gendarmes devraient les retrouver facilement.
- Bon réflexe, petite, la félicita Dédé en lui tapotant l'épaule.
Elle lorgna du côté de Mirliton et Ronflette qui semblaient si bouleversés qu'elle n'osa aller vers eux.
- Qu'est-ce qui leur est arrivé à tous les deux ? Pourquoi Ronflette est-il en caleçon et chaussettes ?
Ses amis l'attirèrent un peu à l'écart.
- Les choses se sont corsées. Grégorien s'est fait agressé dans le local de la mairie où il prenait sa pause. Apparemment, l'homme a bien aimé son costume de Corbac l'épouvantail, si bien qu'il l'en a dépouillé pour se substituer à lui et l'a laissé à moitié assommé, ligoté et bâillonné dans le vestiaire.
Martinou réagit d'abord en demandant à Pirouly d'arrêter de plaisanter. Ce n'était pas le moment de se payer sa tête. Mais Poucy corrobora ses dires.
- C'est vrai Martinou. Ronflette nous a racontés qu'il n'avait pas eu le temps de voir son assaillant. Il l'a pris en traître et l'a assommé d'un coup sur la nuque. Quand il est revenu à lui, il a entendu la porte qui se refermait puis la clé tourner dans la serrure. Il a ensuite cherché un moyen de se libérer et à réussi à se détacher à l'aide d'un cutter qu'il est parvenu à trouver dans les fournitures de la mairie après un long moment. Il a tambouriné sur la porte pour qu'on vienne lui ouvrir mais, avec le bruit de l'orchestre, personne n'a entendu ses appels. Il s'est donc résolu à casser le carreau de la fenêtre fixe qui donne dans le jardin du voisin et s'est échappé par là.
- Vous croyez que c'était notre homme à la musette ?
- Ronflette n'a pas vu cet homme. Il ne peut donc pas nous le décrire. Mais c'est probable...
- Et Mirliton ? Où est-ce qu'elle était ?
Pirouly jeta un œil vers leur amie parisienne toujours blottie dans les bras de son sauveur.
- Ils l'ont retrouvée, chuchota le garçon.
Martinou ne saisit pas tout de suite. Puis, son œil brun étincela.
- Les hommes de la berline, bien sûr !?
Ses amis firent "oui" de la tête. Ils paraissaient tous les trois bien embarrassés.
- Le lapin et Mr Citrouille, c'était donc eux. Ils ont voulu passer incognito. Mirliton ne s'est pas méfiée, et ils lui ont mis la main dessus.
- Ils l'ont attirée dans un guet-apens, oui. Faut dire qu'avec sa tignasse bicolore, ils l'ont vite identifiée.
- Et ils l'ont cuisinée pour savoir si elle savait où trouver l'homme à la musette ? C'est ça ? Comme ils ont dû cuisiner le chauffeur de taxi pour apprendre où il les avait déposés...
- Oui, sûrement. Et ces deux dangers publics sont encore dans la nature. C'est ça le pire ! déplora Pirouly.
- Sans compter celui qu'ils recherchent, compléta Martinou.
- On a intérêt à escorter mieux que ça notre Mirliton durant ces vacances, et être prudents dans nos sorties.
Martinou leur demanda à voix basse :
- Dites, c'est normal qu'elle ne quitte pas les bras de Ronflette depuis tout à l'heure ?
Pirouly haussa les épaules et supposa :
- Solidarité naturelle entre ex-otages...
Cette explication ne parut pas satisfaire leur chef d'équipe. Elle paraissait troublée par ce nombre de choses qui semblait lui échapper depuis quelque temps.
Soit son regard interrogatif avait été visible, soit ils ressentirent le besoin de se rapprocher de leurs amis, Ronflette et Mirliton vinrent enfin vers eux.
- Ça va les amis ? Pas trop secoués ? demanda Pirouly, ne sachant pas trop quoi dire.
La jeune parisienne essuya ses yeux larmoyants du revers de sa manche et murmura comme une enfant de cinq ans :
- Je veux voir Youpi...
Ce n'était pas exactement la réponse à laquelle ils s'attendaient, mais ils étaient habitués aux réactions décalées de leur amie, et ne lui en tenaient plus rigueur depuis longtemps.
- Youpi est toujours chez moi. On va passer le prendre si tu veux et nous irons chez Martinou. Tu y seras plus en sécurité que toute seule chez toi, proposa Pirouly, comme s'il parlait à une enfant en bas âge.
- Euh, les gendarmes vont sûrement vouloir lui poser un tas de questions, supposa Poucy.
- Eh bien, ils se déplaceront et viendront l'interroger chez moi, rétorqua Martinou à la place de leur camarade encore émue.
Cerise approcha d'eux.
- Vous n'avez qu'à venir manger à la maison ce soir. Ça changera les idées de la petite. Et ce sera plus joyeux. Venez  pour sept heures et demi, huit heures.
Cerise prit Mirliton par les épaules et l'entraîna avec elle en lui assurant qu'elle donnerait un coup de fil à sa mère à leur arrivée chez elle.
- Bon, je vais aller enfiler quelque chose car je commence à peler. Le soleil décline, fit remarquer Ronflette qui n'avait même pas songé à retirer de son poignet le chatterton avec lequel son agresseur l'avait immobilisé. Il s'éloigna du groupe mais Pirouly le rattrapa.
- Euh, je voulais te dire... Tu as été fantastique ! Quel courage ! Sans toi, Mirliton serait peut-être entre leurs mains à l'heure qu'il est.
Pirouly lui tendit la main, visiblement ému.
- Arrête Pirou. T'aurais fait pareil. Tu me gênes là...
Il lui serra quand même la main, un peu confus.
- Tu rigoles ! Il m'aurait mis en bouillie.
Ronflette sourit et lui tapota l'épaule.
- Soit pas sévère avec toi comme ça. Allez, rentre bien, à plus...
Pirouly revint vers les filles. Elles le regardaient amusées.
- Bah quoi ? C'est vrai ! Il a permis à Mirliton d'être libérée. En plus, il a sacrifié son potiron de trente kilos en le jetant sur la voiture des ravisseurs. T'aurais vu ça Martinou, il a été super fort. Il l'a porté à bout de bras et a stoppé la voiture, raconta Pirouly encore émerveillé de l'exploit de son ami.
- On dirait que tu racontes un film de super héros, se moqua Poucy.
- Moi, j'ai jamais vu de super héros qui arrête les méchants à coup de potiron géant. Ronflette est original jusqu'au bout.


- En tout cas, si on veut passer des vacances tranquilles, il nous faut retrouver cet homme avant eux. Qu'est-ce qu'il peut bien leur avoir volé pour qu'ils se donnent tant de peine ? Et pourquoi l'homme à la musette s'est-il précisément réfugié à Barroy ? se demanda Martinou.
- Et pourquoi endosser le costume de Corbac pour déambuler sur la fête du potiron ? Qu'est-ce qu'il cherchait ? ajouta Poucy.
- Où plutôt, qui cherchait-il ? corrigea Martinou.
Poucy et Pirouly aperçurent la petite flamme de l'investigation briller dans la prunelle brune de leur amie.

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