mardi 11 août 2015

Quand l'inspiration tient au harcèlement d'une mouche et aux pas chassés d'un loir

La nature, dit-on, a vite fait de reprendre ses droits. Je l'ai constaté en revenant chez moi après dix jours d'absence.
A peine la porte ouverte, il faut déjà traverser les toiles qu'ont tissées ces charmants faucheux. Eux qui se tiennent habituellement dans les coins, ont jugé bon d'occuper la place nouvellement libre, et d'entreprendre des tissages de plus en plus sophistiqués et grandioses, un peu comme le Qatar avec sa tour la burj kalifa. Mes faucheux sont pourtant pas de Dubaï, je comprends pas...
Je leur aplatirai bien la tête, mais Monsieur me prévient que ça ne va pas arranger mon karma... Comme je n'aimerais pas me réincarner en lombric, je fais gaffe, et m'abstiens donc.
Il paraît, qu'en plus, ces charmantes bestioles à pattes longues sont un véritable pare-mouches. Mouais !!! C'est pour ça que depuis qu'on est rentrés je suis au bord de la crise de nerf avec toutes ces mouches qui me tètent les oreilles et me chatouillent les orteils. Je vous jure que quand vous cherchez à faire la sieste, c'est très énervant. J'ai eu beau leur installer un mini hamac à côté de mon canapé, et leur dire "couchez", elles ne cessent de virevolter. Elles ont peut-être pas les mêmes heures ? ...
Elles font chier en tout cas ! je suis pas encore mort ! même si la chaleur actuelle peut en donner l'impression tellement j'suis mou du genou.


 Alors les faucheux, il doit y en avoir des corrompus dans le lot. Je suis sûr que ces putains de mouches payent en coccinelles :
- J'ti livre trois coccinelles et ti m'laisses passer !!
Bref, il n'en reste pas moins que les uns et les autres sont bien installés.
Alors, pour préserver mon karma et la chaîne alimentaire insectivore, je me suis installé pour la sieste dans le jardin, pensant être tranquille...
C'était sans compter sur les musaraignes qui ont investi notre massif de fleurs derrière la maison et se livrent une vraie guerre. Voilà ti pas qu'elles s'empoignent là sous mes yeux, en plein milieu du gazon en poussant des petits cris aigus genre "banzaï !!!". Soit Monsieur musaraigne est rentré trop tard d'une beuverie et Madame lui fait savoir son mécontentement, soit c'est une violation de territoire entre gros propriétaires terriens. Ma présence n'a pas l'air du tout de les perturber !! Et que je te poursuis l'autre en slalomant entre les pieds de bananiers en faisant un raffut du diable. Je me demande à cet instant si ces charmantes bestioles seraient bonnes embrochées au barbecue ?
Ne trouvant pas le sommeil, je prends un bon bouquin (non, non, pas "le clown ne rit plus", je l'ai déjà lu et il est très bien, je le recommande - pause publicitaire, toujours disponible sur ce lien http://www.thebookedition.com/livres-thierry-rainot-auteur-72638.html ) et je me cale dans ma chaise longue. Je ne suis pas loin d'apprendre l'identité du meurtrier de "Meurtre en Mésopotamie" d'Agatha Christie...
Mais que vient faire ce lézard dans cette partie de l'histoire ? Il y a un lézard dans cette intrigue ? Je n'ai pas le temps de m'interroger davantage, le lézard me sourit de toutes ses dents (!!!) et sort sa petite langue entre deux pages. Et le voilà qu'il s'envole dans les airs avec Agatha Christie et mon verre de soda, sur un cri de Castafiore.
Je viens de réaliser qu'un lézard s'est laissé glisser du toit de l'appentis tout droit sur mon livre, entre mes mains. Et il a l'air de trouver ça très amusant. Il atterrit dans l'herbe et je le vois remonter sur le mur en crépis, direction le toit d'où il est tombé. Il  semble dire : - Ouais !!! Super rigolo !!! On recommence !!! Génial ce toboggan !!!
J'aperçois une rangée de petits lézards qui attendent leur tour là-haut, avant de s'élancer sur la tôle glissante comme les enfants du haut d'un toboggan aquatique.


Alors, je déplace ma chaise longue sous l'acacia. A l'ombre, ici, je devrais pouvoir me laisser aller à une douce torpeur...
Deux minutes s'écoulent et un couple de pigeons vient s'installer sur la branche juste au-dessus de ma tête. Ils me lorgnent avec insistance. Essayez de rester zen sous l'anus d'un pigeon. C'est un défi que je vous lance ! Vous me direz combien de temps vous tenez.
Je vois déjà dans leurs petits yeux cruels que la fiente n'est pas loin. Alors je me redresse d'un coup. Splash ! sur la chaise longue ! juste à l'endroit où reposait ma tête à l'instant. Ils remuent tous les deux des ailes. Je vous jure, on dirait qu'ils applaudissent. Et les tourterelles, leurs copines perchées sur un pieu à proximité, ricanent comme des péronnelles.
Je rêve ou ces bestioles sont bien décidées à me rendre la vie infernale. Et dire que j'ai empêché ma chienne de bouffer leurs œufs au printemps !!
Je leur montre le poing en leur reprochant leur ingratitude.
 

C'est pas grave, je dormirai mieux ce soir. Allons bosser au potager.
Argh !!! Les blettes : boulotées ! Les choux : décapités !
Malgré des briques et du grillage mis devant les trous qu'ils avaient faits sous le grillage, comme des Steve Mac Queen à grandes oreilles (voir "la grande évasion", sauf que là, c'est la grande invasion !!), ils ont réussi à revenir et à batifoler dans le terrain. Des arbres fruitiers ont l'écorce abimée à leur base. Comme si la sécheresse ne suffisait pas !!
Je fais le tour de la clôture avec ma chienne. Elle détecte très vite les passages. Malgré un grillage en fer plastifié, ils ont réussi à le démailler et à passer. Ils sont infernaux !! Je les imagine en pleine nuit, les pattes accrochées au grillage, les yeux rouges et le visage déformé par la faim. Un peu comme les morts vivants dans Walking Dead, vous voyez...
J'avais pourtant disposé des crottes de ma chienne tout au long de la clôture, et cent cinquante mètres de clôture à border de crottes de chien, croyez-moi, c'est long et pénible !! Celui qui m'a donné la combine s'est sûrement payé ma tête !! Vous croyez pas ?
Mais maintenant tous les trous sont bouchés, donc, à moins d'un lapinos super entraîné, un Tom Cruise à queue blanche monté sur filin, je ne vois pas comment il viendrait cambrioler mes carottes.
On m'a même proposé de mettre des lapins crucifiés aux endroits de passage. J'aime bien les légumes, mais quand même !!


C'est un peu rasséréné que je gagne la partie bassin du jardin. Je retire mes tongs et plonge avec délectation mes petits pieds échaudés dans l'eau fraîche, assis tranquille sur le pont en bois.
Ouahhh !!! Nom de diou qu'est-ce que c'est ? Quelque chose vient de me glisser entre les pieds. Un poisson, une couleuvre... Non, une grenouille !! Ah te voilà toi !! Figurez-vous qu'une toute jeune grenouille, fraîchement "dététardisée", a fait son apparition depuis début juillet. A la différence des trois autres déjà installées depuis quelques années et qui sont énormes, celle-ci n'est pas du tout farouche. C'est une fille de la maison. Elle est d'ici. Dès qu'on s'approche du bassin, elle nous fait une petite brasse gracieuse pour venir nous voir. Mais attention il ne faut pas s'y tromper, c'est une chasseuse redoutable. L'autre jour, alors que nous la prévenions aimablement de faire attention à une guêpe qui rodait autour d'elle, elle fit fi de nos avertissements paternalistes et ouvrit une gueule digne des dents de la mer pour engloutir toute crue la guêpe imprudente. Nous en sommes restés baba. Aussi, tandis qu'elle monte sur mon pied pour faire un peu de balançoire (véridique, voir photo ci-dessous), je vérifie que mon petit orteil ne ressemble pas trop à une guêpe.



Elle semble vouloir me montrer quelque chose. Ah ah !! Stupeur ! Quatre autres petites grenouilles de la taille d'un dé à coudre sont rassemblées sur le nénuphar le plus proche. Et là, au fond de l'eau, à se faire dorer au soleil, des dizaines de têtards  attendant qu'il leur pousse des pattes.
Si vous avez entendu le bruit d'une grenouille en période de reproduction, vous imaginez de suite les printemps à venir pour ce charmant endroit que j'appelle mon chez moi et qui risque de devenir très vite un chez les autres si ce charmant petit monde continue à proliférer et à se sentir aussi peu indésirable. Je me vois déjà en train de planter ma pancarte "A vendre" pour cause de surpopulation batracienne...
Est-ce qu'on peut louer les services d'un héron ? Faut que je regarde dans les pages jaunes...


C'est donc un peu contrarié que je me couche ce soir là, mais content de retrouver mon lit après une semaine d'hôtel au matelas éprouvé.
Trois heures du matin, un bruit insolite nous réveille !!! C'est pas vrai ! Je venais juste de sombrer dans le sommeil après avoir vidé, ces dernières heures, le Brumisateur sur mon corps effervescent.
Notre lit se trouve sous un vélux pour voir les étoiles. C'est beau hein ? Sauf que là, c'est le ventre tout blanc d'un écureuil que je vois. Toutes pattes écartées, il joue négligemment avec une noisette, comme un jeune chat. La noisette qui roule sur le verre puis les tuiles, à trois heure du matin ça vous semble un best of des tambours du Bronx. J'ai même l'impression qu'il a gonflé ses joues avant de nous tirer la langue. Non, c'est sûrement mon esprit embrumé.
Soudain, je repense à ces jolies histoires de Disney avec cette fille à la mine fraîche et parfaite qui chantonne et parle aux animaux qui l'entourent en cueillant négligemment une fleur de ci de là. Monsieur Disney a inventé la science fiction, ou alors il n'a jamais essayé de vivre dans une telle promiscuité avec les animaux. Sinon, sa Blanche Neige, il l'aurait dessiné comme une Nina Hagen sous amphétamine, les yeux cernés jusqu'aux genoux, dézinguant le moindre oiseau qui passe ou tirant à coups de tromblon sur une fourmilière. Ou bien Blanche Neige avait un excellent psychothérapeute...


Après quelques gouzigouzis extasiés de mon voisin d'oreiller à cet amateur de noisettes, et un braquage de ma lampe de chevet sur le naïf petit rouquin, façon interrogatoire à la Navarro, je crois profiter des dernières minutes qu'il reste avant le lever du soleil.
Mais Monsieur le loir n'avait pas encore fait sa prestation. Le voilà qu’il déboule comme sur une patinoire avec l'assurance d'un Philippe Candeloro. Ce vélux est une vraie autoroute. Il va falloir que je pense à installer un péage.
Alors, que fait un auteur lorsqu'il ne trouve pas le sommeil ni le repos ? Ben il écrit. Et à cette heure, la tension est retombée et ma rancœur contre ces charmantes bestioles s'est envolée. Grâce à eux j'ai pondu un nouvel édito et ma plume rouillée s'est remise à courir. Je crois même que je vais continuer d'écrire. Je tiens le prologue du "nombril de Ganesh", prochaine aventure des M and P's.
Sans rancœur les faucheux, mouches, lézards, pigeons, tourterelles, lapins, grenouilles, écureuils et loirs. J'avais oublié la chance que j'avais de pouvoir vivre entouré de vous et partager tout ça avec vous. Cette accueillante maisonnée ne serait pas ce qu'elle est sans vous ni sans les humains à deux pattes qui y défilent. Et pouvoir la partager, c'est aussi ce qui fait le bonheur d'être chez soi.
Promis on restera végétariens.