mercredi 14 janvier 2015

Quand avoir de l’imagination devient une malédiction...



Il y a une semaine, l'actualité me laissait muet, knock-out debout, anéanti, désespéré, ravagé. Mon visage si mobile habituellement restait à ce moment là figé dans la glace. La jolie couleur rassurante de mon ami Casimir virait au sépia avant de tourner dramatiquement au noir et blanc. Mon partenaire des mauvais moments, mon fameux homme orchestre et son costume blanc salvateur restait dans l'ombre, les cymbales muettes. Et mon Gribouille se mettait à pleurer des larmes d'encre.
Mon empathie et mon imagination sont mes pires défauts à cet instant. Je suis le tueur, je suis l'une des victimes, je suis les policiers, je suis les vitres qui volent en éclats, je suis la peur, je suis la poudre, je suis le sang, je suis les survivants, je suis la haine. Oui la rage, la colère montent en moi si fortes que je remercie de ne pas avoir d'arme à la maison.
Pourquoi je réagis comme ça ? Pourquoi vous réagissez comme ça ? Pourquoi nous réagissons comme ça ? 
Est-ce parce qu'on nous dénie le droit à la légèreté ? Est-ce parce qu'on nous dénie le droit de demeurer des hommes civilisés et libres ? Est-ce parce qu'on a tué un pan de notre 
enfance ? 
Cabu ce gentil cancre de l'équipe de Dorothée qui la dessinait si mal...icieusement. 
Wolinski dont je dévorais les dessins sur la table basse d'une salle d'attente médicale en pleine crise de varicelle... 
Charlie Hebdo, ex Hara Kiri, que lisait en se gaussant mon frère, homme d'opinion appréciant les gauloiseries plus que de raison. N'est-ce pas mon frère dont on vient de faire taire le rire bon enfant ?
La bête s'est levée en moi devant tant d'injustice et la loi du talion est soudain devenue bien tentante. 


N'est-ce pas cela qui fait soudain le plus peur et nous révolte tant ? 
Un homme civilisé doit-il commencer à regarder de travers son voisin un peu trop barbu ? Un homme civilisé doit-il se sentir obligé de changer de rue pour éviter l'immeuble où travaillent les journalistes ? Un homme civilisé doit-il voir dans chaque lieu de culte une menace potentielle ? Un homme civilisé doit-il soudain s'étonner du silence assourdissant de ses collègues sur l'événement alors que tout le monde semble en parler ? Un homme civilisé doit-il trembler devant une valise dans le métro ?
Une semaine à dompter la bête en moi ! Ce qui fait de nous des êtres civilisés c'est notre force à dompter cette bête enfouie, là, tout au fond. C'est moi le vrai héros, le vrai courageux. C'est vous les vrais héros, les vrais courageux. C'est nous.  Pas ces lâches qui assassinent parce qu'ils ont renoncé à combattre leur bête, les couards.
J'ai la chance d'avoir près de moi un jardinier philosophe. Il me dit toujours : "Ne t'épuise pas avec la mauvaise herbe. Plante plutôt des fleurs vivaces et persistantes tout autour, elles finiront par l'étouffer."
Le Zadig de Voltaire le disait déjà "cultivons notre jardin".

Alors j'ai commencé à semer sur mon cœur devenu si noir et plein d'épines les fleurs de la différence, les arbres de la tolérance et les fruits de l'intelligence. Puissent les larmes versées ces derniers jours les arroser et les faire pousser abondamment.

Thierry Rainot






Les deux loups

Un vieil homme veut apprendre à son petit-fils ce qu'est la vie.
"En chacun de nous, il y a un combat intérieur" dit-il au jeune garçon. "C'est un combat jusqu'à la mort et il se tient entre deux loups."
"Le premier est ténébreux. Il est la colère, l'envie, le chagrin, le regret, l'avidité, l'arrogance, l'apitoiement sur soi-même, la culpabilité, le ressentiment, l'infériorité, la supériorité, les mensonges, la fausse fierté et l'égo."
"Le second est lumineux. Il est la joie, la paix, l'amour, l'espoir, la sérénité, l'humilité, la gentillesse, la bienveillance, l'empathie, la générosité, la vérité, la compassion et la foi."
Le petit-fils réfléchit pendant un long moment. Puis, il demande à son grand-père : "Quel est le loup qui gagne ?"
Le vieil homme sourit et lui répond : "Celui que tu nourris."

Conte traditionnel Cherokee