jeudi 1 mars 2018

Le retour des M and P's



Depuis le 01er novembre 2017, date à laquelle la dernière aventure de Martinou et sa bande est sortie, je me posais beaucoup de question sur mon avenir d'écrivain auto-publié. Ne fallait-il pas écrire un roman davantage tout public, un de ces romans torturés où les personnages se débattent avec la vie, hésitant entre drame et comédie ? Fallait-il essayer d'écrire un autre genre ? Allais-je trouver l'idée d'une nouvelle histoire ?
En fait les idées n'ont pas manqué ! Les sujets ont jailli. Les titres aussi. Mais l'envie, la motivation n'étaient pas au rendez-vous.
Or, pour écrire, il vaut mieux être inspiré par son sujet...
Et puis un sujet s'est imposé à moi : y-a-t-il une vie extra-terrestre ?


Sujet large et maintes fois exploré, mais qui m'intéresse car j'ai grandi dans une période où les phénomènes d'apparitions d'Objets Volants Non Identifiés et les enlèvement de terriens faisaient régulièrement la une des journaux. Mais surtout, surtout... parce que ma famille et moi-même, nous avons été témoins de phénomènes lumineux inexpliqués au début des années 80. Boules lumineuses, radio qui crépite et bruits stridents, on connaît, on a vécu ça... sans jamais en parler trop autour de nous, comme beaucoup, de peur du ridicule.
Le sujet m'a donc ramené naturellement vers les M and P's. Qui mieux qu'eux pouvaient se débrouiller d'un mystère supplémentaire ?


Depuis que je me documente sur le sujet (livres, émissions télé, internet...), l'enthousiasme vient grandissant ainsi que l'inspiration. Le scénario se met en place, les nouveaux personnages émergent. Mon bloc notes se noircit d'idées, de notes sur l'astronomie, sur les Ufonautes (habitants des soucoupes), le décor se dresse.
Je tiens le titre : "La nuit de la Naine Blanche".
Bref, vous aurez deviné que les M and P's seront  de retour très prochainement pour une aventure que j'espère des plus palpitantes.
En attendant l'aboutissement de ce long travail qu'est la rédaction d'une nouvelle histoire de 400 pages, les trois premières aventures des M and P's vous attendent toujours sur
TheBookEdition.com
en version papier ou en version ebook, pour lire, pour offrir.... ou pour encourager l'auteur ;-)



























Daphnée du Maurier, l'autre anglaise


De toutes les auteures anglaises que j'ai lues, il en est une que j'affectionne tout particulièrement, c'est Daphné du Maurier. Cette digne héritière des sœurs Brontë a renouvelé avec talent le style thriller romantico-psychologique que celles-ci avaient créé cinquante ans plus tôt. Style qu'elle rend à nouveau à la mode portée par un mouvement féministe trop heureux de voir des personnages féminins mis en avant et faire face à l'adversité dans un objectif de plus grande indépendance.
Paradoxalement, je l'ai découverte à travers une mini-série diffusée à la télé au début des années 80, adaptée d'un de ses romans : Rebecca. Cette version anglaise était très bien faite et plutôt fidèle au roman, et surtout servie par un casting soigné (mention spéciale à la comédienne Anna Massey qui incarne l'inquiétante gouvernante de Manderley). Le montage, les décors et le jeu nuancé des comédiens ont fortement contribué au succès de cette version et ont admirablement servi à la transcription filmique de l'atmosphère du roman.
Depuis, j'ai vu la version d'Hitchcock, grand admirateur de Du Maurier, et elle m'a semblé un peu fade. C'est sûrement dû au noir et blanc et à la théâtralité des acteurs Lawrence Olivier et Joan Fontaine...
Et enfin, j'ai découvert le roman.


Voici l'accroche :
Une jeune femme anglaise, dame de compagnie d'une vieille mondaine, l'accompagne lors d'un séjour à Monté Carlo. Elle fait alors la connaissance de Maxime De Winter, un homme d'une quarantaine d'années, élégant, jovial, dynamique et séducteur, qui mène grand train et fait preuve de beaucoup d'attention envers elle. Elle tombe bien sûr amoureuse de lui et le galant homme va très vite l'épouser et la ramener dans les brumes de sa Cornouaille.
Après une lune de miel en Europe, ils reviennent donc s'installer à Manderley, manoir familial des De Winter depuis des siècles, un château de style Tudor élégant mais sombre. La jeune épousée ne tarde pas à subir la lourde atmosphère qui règne entre ses pierres et à être intimidée par les graves portraits des ancêtres de Maxime qui la lorgnent de façon inquiétante lorsqu'elle remonte les couloirs interminables du manoir. La gouvernante, Mme Danvers, femme dure qui lui manifeste une froide hostilité sous un extérieur faussement respectueux, ne va pas lui faciliter son intégration. Elle découvre aussi qu'il y a eu une précédente Mme De Winter et que Maxime est en réalité veuf. À partir de cet instant, la défunte épouse devient le personnage principal de cette histoire. Sa personnalité charismatique, fait que tout le manoir est encore empreint de son aura, et sa présence est encore palpable. 
Tout cela ne tarde pas à peser lourdement sur les épaules des nouveaux mariés. 
Maxime devient étrangement taciturne, nerveux et colérique. 
Les nerfs de la jeune femme, qui n'arrive pas à s'imposer comme nouvelle épouse et nouvelle maîtresse du lieu, deviennent fragiles.
Il me reste en tête trois scènes remarquables, d'une tension terrible :
Quand la nouvelle Mme De Winter s'aventure dans l'aile condamnée du château, accès que lui a formellement interdit son époux car s'y trouvent les appartements de l'épouse disparue. 


Ou bien lors de la scène du bal costumé quand l'écervelée tombe dans le piège tendu par la malveillante Mme Danvers, adoratrice de la précédente maîtresse de maison.
Et enfin lorsque Mme Danvers (toujours elle) profite d'une crise de nerfs de sa nouvelle maîtresse pour lui suggérer de se défenestrer...
Malgré tout cela, la jeune femme timide et effrayée va lutter contre l'esprit si envahissant de l'ex Mme De Winter et va ainsi extirper le terrible secret de ces épaisses murailles.
Son mariage en sortira-t-il indemne ?
Après ce roman si prenant, j'ai tenu à lire les autres romans de Daphné Du Maurier. 
"L'auberge de la Jamaïque", "Ma cousine Rachel" (romans plusieurs fois adaptés au cinéma ou à la télé), et les moins connus , "Mary Ann", "Le bouc émissaire" et "la crique du francais". 
Je n'ai jamais été déçu. 
Du Maurier fait partie de ces auteurs qui ont le sens de l'intrigue. Quand on a lu les premières pages, on ne peut s'empêcher de lire les suivantes. Le style est fluide, la psychologie des personnages bien soignée avec cette délicatesse et cette finesse qu'ont spécifiquement les anglais pour exprimer un ressenti qu'ils ne maîtrisent pas à l'oral (ou du moins que leur tempérament et leur éducation ne leur permettent pas d'exprimer à l'oral) et le dénouement toujours étonnant.
Alors si vous avez déjà Emily et Charlotte Brontë, Jane Austen, Dickens et Wilkie Collins dans votre bibliothèque, n'hésitez pas à y ajouter l'indispensable Daphné Du Maurier... 
Plaisir garanti.


Quelles femmes aimez-vous ?

J'ai toujours aimé les femmes... Alors là, j'en vois déjà qui sourient un peu narquois et taquins... Mais oui, j'aime les femmes. Passionnément, tendrement... Pas n'importe quelles femmes !!! Un certain type de femmes.
Et en me penchant sur ce vilain penchant, je me demande soudain quel est le point commun entre elles. Pour ça je me dois de vous en présenter quelques-unes à travers un domaine, une discipline, une période. Et voyons pourquoi j'admire particulièrement ces femmes là...


Dans la littérature ce serait Angélique Marquise des Anges et, à travers elle, son auteure Anne Golon. 
Saviez-vous qu'Anne Golon a dû accepter de son éditeur que le nom de son mari soit accolé au sien (même si son époux n'avait participé qu'aux recherches documentaires) pour la sortie du premier "Angélique", sous prétexte qu'une femme signant seule un roman historique n'était pas crédible ? Première humiliation.
Saviez-vous que les éditions Hachette avaient modifié, tronqué, dénaturé les rééditions de la série "Angélique" sans jamais avoir obtenu l'autorisation de l'auteure, ni même lui avoir versée ses droits d'auteure ? Irrespect total. L'injustice sera laborieusement réparée à l'issue d'un long et retentissant procès au milieu des années 2000.
Saviez-vous qu'en terme de représailles, ses romans avaient été relégués au rayon Arlequin, romans à l'eau de rose, puis retirés des rayons des librairies françaises alors même que la rigueur historique et la qualité littéraire de Mme Golon auraient dû la placer au même rang que Maurice Druon (les Rois Maudits) ou Robert Merle (Fortune de France) ?
Certes, l'adaptation cinématographique aux élans sirupeux et mélodramatiques a autant participé au bonheur de l'œuvre qu'à son malheur...
Et pourtant, les treize tomes des "Angélique", comme son auteure, n'ont rien à voir avec cette adaptation et méritent un peu plus de respect. Anne Golon est l'auteure française la plus lue (130 millions d'exemplaire entre 1956 et 2005) et la plus traduite dans le monde après Dumas (traduite dans plus de trente langues), et la plus piratée aussi. Même des séries à succès comme "Outlander" s'en inspirent effrontément encore aujourd'hui, sans jamais l'assumer parce que la marque "Angélique" souffre d'une étiquette kitch. 


Pour ceux qui ont lu les treize tomes, l'incompréhension est totale tellement cette héroïne est attachante et moderne. D'une écriture intelligente et cultivée (Anne Golon est considérée comme l'une des rares spécialistes du siècle de Louis XIV), jamais répétitive, elle nous entraîne à suivre son personnage de son Poitou natal jusqu'au Languedoc en passant par le Pays Basque, avant de revenir à Paris puis à Versailles, pour mieux nous éloigner encore à travers la mer Méditerranée et la côte nord africaine, jusqu'à manger les grains de sable du désert du Maroc et goûter les embruns de l'île de Malte et ensuite nous faire dériver vers le Nouveau Monde. On y croise plein de personnages historiques : Louis XIV, la Marquise de Montespan, la veuve Scaron (future Mme de Maintenon), La Fontaine, le Sultan Moulay Ismaël, le Duc de Vivonne et le gouverneur Frontenac, entre autres...
Le contexte historique va de la Fronde à l'affaire des poisons en passant par les guerres de religion et l'esclavagisme des chrétiens ou encore l'extermination des tribus indiennes nord américaines. Une œuvre très riche et populaire. Angélique est une femme forte et courageuse qu'on aime voir tomber pour mieux la voir se relever et prendre sa revanche contre vents et marées, contre le pouvoir et l'ordre établi, contre les instances religieuses, contre la sauvagerie humaine, contre l'injustice...
Quand Anne Golon est enfin invitée à Apostrophe par Bernard Pivot, elle a droit à un accueil condescendant et méprisant sans considération de son talent d'historienne et d'écrivaine...
Malgré tout ça, Anne Golon a continué à écrire et à défendre son travail jusqu'à sa mort cette année à 95 ans. Et elle a bien fait car son œuvre revient peu à peu au rayon "romans historiques" et est peu à peu réhabilitée auprès des jeunes générations.


Dans la chanson, ce serait Sheila, qui retiendrait mon attention. Sheila, le petit phoque de la variété française pour moi, davantage qu'une petite fille de français moyen. Sheila dont on a moqué les couettes et les refrains naïfs comme s'il fallait tuer l'insouciance et massacrer l'innocence. Sheila dont une certaine France conservatrice, (la même France conservatrice qui l'avait portée aux nues) s'est soudain détournée d'elle parce qu'elle faisait preuve d'une certaine liberté et d'une certaine ouverture d'esprit en se trémoussant à moitié nue avec trois danseurs noirs (voire se frottait effrontément à eux... My God !!!) à la fin des années 70, début des années 80. 
Est-ce qu'on a reproché à Johnny ses déhanchés maladroits d'ersatz d'Elvis ou à Françoise Hardy son côté godiche ? Non.
Sheila, c'est la victime toute trouvée, le bouc émissaire de service, le défouloir sur qui tout le monde tombe d'accord. Une certaine facilité... Il est toujours de bon ton de railler et de mépriser cette pôvre Sheila comme on raille et on méprise le simplet du village.
Et pourtant, 55 ans de carrière, des dizaines de tubes, 85 millions de disques vendus, un classement dans les charts américains pour Spacer en 1979 (seule chanteuse après Piaf à avoir réussi cet exploit) et des bâtons dans les roues en veux-tu en voilà, ça devrait forcer le respect à défaut d'admiration... Sans compter que des artistes qui chantent, dansent, jouent la comédie, présentent, écrivent, sculptent, ne sont pas pléthore en France.
Eh bien non, on continue à l'assommer avec ses couettes et à la saouler avec ses tenues à paillette en ignorant ce qu'elle a fait depuis. On trouve le moyen de lui reprocher jusqu'à ses liftings ou sa voix, elle qui ne demande qu'à faire son métier et remplir sa mission de divertissement jusqu'au bout, faire plaisir à son public qui la suit depuis toujours.
Serait-ce mal de vouloir continuer à s'amuser et à donner du plaisir aux autres ? Pourquoi voudrions-nous qu'à 72 ans tout soit dit et qu'on abandonne ses rêves en les sacrifiant au principe qu'à cet âge ce n'est pas raisonnable ?
A la télévision, j'ai toujours été admiratif de Danièle Gilbert. J'ai une tendresse particulière pour cette dame. Pas seulement pour son émission Midi Première pour laquelle ma mère et moi on bravait l'interdit paternel de regarder la télévision en mangeant, profitant qu'il était de gamelle sur un chantier éloigné, délicieux secret entre elle et moi. Non. 


J'aime le tempérament de la dame. Son tempérament de petite souris qui s'est taillé la part du lion dans l'imagerie des débuts de la télévision. A la fois timide et hardie, douce et ferme, bavarde mais attentive aux réponses des autres, fragile et inébranlable dans l'imprévu. Une femme qui aime les gens et qui tape la discute aussi naturellement avec un homme politique en vue qu'avec un boucher charcutier du Cantal.
Là aussi, ce qui m'énerve c'est ce petit sourire goguenard qui vient naturellement aux gens quand on prononce son nom, rien qu'en considérant l'image péjorative. Ce machisme de l'époque qui cherchait sans cesse à la rabaisser au rang de grande Duduche aurait-il eu raison d'elle ? La grande Duduche est une femme intelligente qui a quand même décroché une licence d'allemand et a sa carte de journaliste. Et elle est encore dans le coeur des gens et suscite l'émotion populaire là où celui qui la surnommait ainsi (Jacques Martin ) a pratiquement disparu des mémoires et suscite peu d'affection.
Car elle en a pris des coups la gracile blondinette ! Virée de la télé pour avoir écouté un peu trop Giscard et son accordéon ! On n'aime pas les gens libres non plus à gauche ! Et sa liberté, elle la brandira en jetant sa petite culotte pour le magazine "Playboy". Elle a des couilles la grande Duduche et elle le montre.
Mais les gens qui relèvent un peu trop le nez on les fait taire. L'affaire de la bague miracle l'envoie en prison et lui ferme à nouveau le caquet. Elle renaît de ses cendres une nouvelle fois en tenant l'affiche de "La Ferme Célébrité" où elle tient tête aux jeunes starlettes et fait preuve d'une plus jolie mentalité que ces jeunes oiselles, ce qui lui vaut d'être parmi les derniers à être exclus de cette émission de télé réalité grâce au vote populaire.
Pour l'avoir croisée, Danièle est une vraie gentille, droite dans ses bottes, qui ne méritait pas tous ces coups bas et mérite une constante réhabilitation.


L'histoire de France nous offre la petite cousine de Danièle Gilbert : Jeanne d'arc (pour la coiffure). 
Même si la persécution revêtait une autre importance et une autre gravité à cette époque, elle reposait déjà entre les mains d'hommes et était souvent provoquée par la rumeur populaire. Là, ce n'était pas le pilori médiatique mais le bûcher, plus radicalement. La petite bergère de Domrémy était devenue dangereuse et risquait de faire devenir le monde meilleur. Où va le monde si on laisse des bergères influencer le destin des rois et mener des hommes au combat, le cœur vaillant ?
Dans le monde du cinéma, Bette Davis force également le respect. Cette femme, immense actrice talentueuse, a aussi, on le sait peu, contribué à faire valoir le droit des femmes à une équité de traitement dans les contrats signés avec les grandes firmes cinématographiques américaines. Elle fut la première à braver son producteur Jack Warner car il refusait de lui confier de meilleurs rôles. Elle n'hésita pas à lui claquer la porte au nez pour partir chez le concurrent. Elle fonde même sa propre maison de production et fait de l'égalité des salaires hommes/femmes son cheval de bataille. Là où on dit d'un homme qu'il est professionnel et exigent on dit d'elle que c'est une chieuse et une diva. Nul doute que la suite de sa carrière s'en ressentit, les grands pontes d'Hollywood ne lui pardonnant pas sa fronde.


Et enfin dans la sculpture : Camille Claudel a sa place dans mon panthéon féminin. L'histoire de cette élève qui atteint le niveau du maître Rodin puis s'en affranchit et le dépasse, selon certains, jusqu'à lui faire de l'ombre, est fascinante. Elle bouscule elle aussi les bien-pensants en travaillant sur le nu. Cette femme exacerbera son art jusqu'à la folie et finira incomprise, jalousée, rejetée. Même si sa fièvre artistique et sa rupture amoureuse avec Rodin la conduiront derrière les portes d'un asile pour les trente dernières années de sa vie, les correspondances qu'elle continuera d'adresser à sa famille, ses amis et ses relations professionnelles, prouvent qu'elle s'était bien ressaisie et avait récupéré toutes ses facultés. Malgré cela, personne ne bougera le petit doigt pour l'extraire de là et préférera ignorer ses appels à l'aide, cruauté préférable à l'opprobre public et aux scandales perpétuels qu'un tel retour n'aurait pas manqué de ramener sur son entourage.


Alors là je vous vois venir à la fin de cette démonstration : 
"Ouah ! bah dis donc, c'est osé ! Mettre au même rang Sheila, Bette Davis et Jeanne d'Arc ! Il est culotté !"
ou bien encore :
"Il est courageux d'assumer ses goûts désuets et un rien tartes !!" ou alors :
"Il est marrant lui, on a le droit de ne pas aimer !".
Et moi je réponds que ce n'est pas une question d'aimer ou de ne pas aimer c'est une question de le faire sans à priori. Combien ai-je entendu critiquer ou ai-je surpris à lever les yeux au ciel sans même connaître la personne ou son travail ? Pourquoi ne pas prendre le temps de découvrir, de quitter sa zone de confort pour savoir de quoi on parle exactement ? Alors oui, on peut ne pas aimer mais on peut essayer d'être objectif et de rendre à César ce qui lui appartient, respecter le travail de chacun.
Leur point commun à toutes ces femmes est, vous l'aurez deviné, leur extrême popularité mais aussi le mépris injuste et injustifié dont elles ont souffert.
L'injustice tient principalement à ce que ce mépris soit issu bien souvent d'un réflexe de bon ton, ce réflexe qui pousse les loups à hurler avec les loups et à se mettre à déchiqueter une victime sans bien comprendre de quoi elle était accusée, ni encore moins de s'assurer qu'elle était coupable. Une certaine paresse intellectuelle en quelque sorte !
Elles ont toutes été vilipendées par une certaine intelligentsia (souvent parisienne ou de droit divin) qui impose sa dictature intellectuelle en décidant de ce qui est noble et de ce qui ne l'est pas, de ce qui mérite le respect et de ce qui doit être conspué.
Toutes ont dû aussi se battre contre un système machiste exclusivement régi par des hommes et ont fait avancer chacune à leur manière la cause des femmes en faisant leur place dans un monde où tout n'était pas gagné pour elles.
Elles ont toutes été victimes de rumeurs : Sheila est un homme, Jeanne d'Arc est une sorcière, Danièle Gilbert est giscardienne, Camille Claudel est folle...
C'est pour ça que je les aime toutes ces femmes, parce qu'elles bousculent l'ordre établi, refusent les étiquettes, restent toujours sincères dans leurs démarches et font priorité à l'envie et au plaisir, tournent le dos aux esprits chagrins, combatives, rebelles, admirables... Ce sont aussi des amoureuses au sens large : amoureuse du public, du peuple, d'un homme, d'un métier, d'un art. Leur passion est chevillée à leur corps. Personnages denses, intenses, incandescentes... J'aime ces femmes pour leur optimisme : tant qu'il y a de la vie, y'a de la force, et tant qu'il y a de la force, y a de l'espoir pour continuer à avancer sans se soucier du regard des autres, l'essentiel étant de donner, de recevoir, de partager, d'échanger, d'aimer... Quitte à tout sacrifier.
Spécialistes du contournement et du retournement de situation, elles m'ont appris à faire ce qui me plait sans me préoccuper du reste.
Quand je vois un obstacle, Anne, Angélique, Sheila, Danièle, Jeanne, Bette et Camille l'enjambent désormais avec moi.

Fred Vargas ou une certaine idée du polar littéraire


Je n'aime pas trop les polars. Trop sombres, trop glauques, sans surprise, souvent mal écrits. Sûrement ma première fois avec "le Dahlia noir" m'avait-elle un peu refroidi. Il paraît que les premières fois sont toujours un peu ratées...
Et puis Enzo Kasmi, adepte et spécialiste du genre avec qui je parle littérature régulièrement lors de nos pauses déjeuner épicuriennes, a su me parler de certains romans avec son emphase et avec sa finesse habituelles, et a fini par attiser ma curiosité (et la bouteille de Pouilly Fuissé n'y est pour rien). 
Dans la myriade de polars dont il m'a fait l'apologie, il fallait toutefois que je fasse un choix.
Mon choix est tombé sur Fred Vargas et son commissaire Adamsberg. 
Mr Enzo m'en avait parlé avec enthousiasme, mais l'interview de Fred Vargas par Laure Adler dans l'émission "L'Heure Bleue", sur France Inter, a fini de me décider. 
Stupeur : Fred Vargas est une femme à la voix rauque et à l'accent parisien qui dit des choses atypiques, profondes et intelligentes d'un ton désinvolte. Elle expliqua lors de cette émission comment elle et sa sœur jumelle se sont retrouvées à enquêter sur la vraie histoire de Cesare Battisti, ancien terroriste italien devenu écrivain, et ont tenté de prouver, par cette enquête, son innocence dans les meurtres pour lesquels la justice italienne le poursuivait. Courageuse et folle entreprise ! Sœurs fantasques et inconséquentes ? Ou idéalistes convaincues éprises de justice et combattantes des pouvoirs totalitaires ? 
La voix radiophonique de cette fumeuse patentée, défenderesse du calomnié repenti, et dénonciatrice d'un état qui n'assume pas son passé, me captiva, m'emporta, m'intrigua. Une telle femme ne pouvait écrire que magistralement !
Et puis, j'avais en tête que mon acteur préféré, Jean-Hugues Anglade, avait incarné Adamsberg dans la version télévisée réalisée par Josée Dayan.
Je me retrouvai donc à lire "l'homme aux cercles bleus" avec cette appréhension de la seconde fois, cette excitation nerveuse qui hésite entre l'envie d'en découdre et la terreur du fiasco, la peur de ne pas arriver au plaisir et de devoir battre en retraite en plein milieu du désir... S'y mêla aussi ce besoin viscéral d'étendre mon territoire en sachant que toute porte ouverte sur l'univers d'un autre (Enzo et Fred Vargas) est un agrandissement de mon propre espace vital, une extension de ma construction mentale, un développement de ma capacité pulmonaire, bref un épanouissement supplémentaire. S'y ajoutèrent cette curiosité anthropologique, cette soif de découvrir un peu du mystère séculaire de l'autre, cet autre qui nous entoure, qui nous suit, qui nous devance, qui nous empêche, qui nous aide, qui nous comprend (rarement), qui nous ignore (souvent) et nous détruit (toujours)... J'eus l'impression d'être un vampire faisant tranquillement le tour d'un appartement pour mieux connaître sa future victime avant de fondre sur elle alors qu'elle dort tranquillement entre des draps immaculés, et de se repaître voluptueusement de sa vitalité pour prolonger un peu la sienne...
J'ai dévoré Fred Vargas en quatre séances de lecture. J'ai adoré son style, ses personnages, l'intrigue, l'ambiance. Les dialogues sont savoureux. Se cachent dans la légèreté des propos une profondeur certaine emprunte d'humour et de cynisme, et teintée d'absurde à la Ionesco (mais juste ce qu'il faut pour ne pas se désintéresser de l'histoire et des personnages). Les échanges entre personnages claquent comme du Audiard. Les personnages (Adamsberg et Mathilde en tête) ont tous quelque chose d'attachant, toujours sur le fil, hésitant entre le côté clair et le côté obscur de la vie, entre désabus et amour de l'existence, ce qui se retrouve aussi dans l'attrait qu'ils ont envers les autres et la méfiance qu'ils ressentent envers eux... 
J'ai lu chaque page avec délectation, tellement les mots sont savoureux. Toujours cet équilibre entre érudition et bon sens commun et cette observation juste de la nature humaine dans toute sa variété.
Me voilà repu d'une seconde fois concluante, le livre défloré gisant à côté de moi au milieu de mes draps froissés avec cette envie furieuse de déjà recommencer. Heureusement, huit autres enquêtes du commissaire Adamsberg m'attendent sur ma table de nuit et tentent déjà de raviver mes ardeurs de leur tranche aguichante. Encore de bons moments en perspective...