jeudi 1 mars 2018

Daphnée du Maurier, l'autre anglaise


De toutes les auteures anglaises que j'ai lues, il en est une que j'affectionne tout particulièrement, c'est Daphné du Maurier. Cette digne héritière des sœurs Brontë a renouvelé avec talent le style thriller romantico-psychologique que celles-ci avaient créé cinquante ans plus tôt. Style qu'elle rend à nouveau à la mode portée par un mouvement féministe trop heureux de voir des personnages féminins mis en avant et faire face à l'adversité dans un objectif de plus grande indépendance.
Paradoxalement, je l'ai découverte à travers une mini-série diffusée à la télé au début des années 80, adaptée d'un de ses romans : Rebecca. Cette version anglaise était très bien faite et plutôt fidèle au roman, et surtout servie par un casting soigné (mention spéciale à la comédienne Anna Massey qui incarne l'inquiétante gouvernante de Manderley). Le montage, les décors et le jeu nuancé des comédiens ont fortement contribué au succès de cette version et ont admirablement servi à la transcription filmique de l'atmosphère du roman.
Depuis, j'ai vu la version d'Hitchcock, grand admirateur de Du Maurier, et elle m'a semblé un peu fade. C'est sûrement dû au noir et blanc et à la théâtralité des acteurs Lawrence Olivier et Joan Fontaine...
Et enfin, j'ai découvert le roman.


Voici l'accroche :
Une jeune femme anglaise, dame de compagnie d'une vieille mondaine, l'accompagne lors d'un séjour à Monté Carlo. Elle fait alors la connaissance de Maxime De Winter, un homme d'une quarantaine d'années, élégant, jovial, dynamique et séducteur, qui mène grand train et fait preuve de beaucoup d'attention envers elle. Elle tombe bien sûr amoureuse de lui et le galant homme va très vite l'épouser et la ramener dans les brumes de sa Cornouaille.
Après une lune de miel en Europe, ils reviennent donc s'installer à Manderley, manoir familial des De Winter depuis des siècles, un château de style Tudor élégant mais sombre. La jeune épousée ne tarde pas à subir la lourde atmosphère qui règne entre ses pierres et à être intimidée par les graves portraits des ancêtres de Maxime qui la lorgnent de façon inquiétante lorsqu'elle remonte les couloirs interminables du manoir. La gouvernante, Mme Danvers, femme dure qui lui manifeste une froide hostilité sous un extérieur faussement respectueux, ne va pas lui faciliter son intégration. Elle découvre aussi qu'il y a eu une précédente Mme De Winter et que Maxime est en réalité veuf. À partir de cet instant, la défunte épouse devient le personnage principal de cette histoire. Sa personnalité charismatique, fait que tout le manoir est encore empreint de son aura, et sa présence est encore palpable. 
Tout cela ne tarde pas à peser lourdement sur les épaules des nouveaux mariés. 
Maxime devient étrangement taciturne, nerveux et colérique. 
Les nerfs de la jeune femme, qui n'arrive pas à s'imposer comme nouvelle épouse et nouvelle maîtresse du lieu, deviennent fragiles.
Il me reste en tête trois scènes remarquables, d'une tension terrible :
Quand la nouvelle Mme De Winter s'aventure dans l'aile condamnée du château, accès que lui a formellement interdit son époux car s'y trouvent les appartements de l'épouse disparue. 


Ou bien lors de la scène du bal costumé quand l'écervelée tombe dans le piège tendu par la malveillante Mme Danvers, adoratrice de la précédente maîtresse de maison.
Et enfin lorsque Mme Danvers (toujours elle) profite d'une crise de nerfs de sa nouvelle maîtresse pour lui suggérer de se défenestrer...
Malgré tout cela, la jeune femme timide et effrayée va lutter contre l'esprit si envahissant de l'ex Mme De Winter et va ainsi extirper le terrible secret de ces épaisses murailles.
Son mariage en sortira-t-il indemne ?
Après ce roman si prenant, j'ai tenu à lire les autres romans de Daphné Du Maurier. 
"L'auberge de la Jamaïque", "Ma cousine Rachel" (romans plusieurs fois adaptés au cinéma ou à la télé), et les moins connus , "Mary Ann", "Le bouc émissaire" et "la crique du francais". 
Je n'ai jamais été déçu. 
Du Maurier fait partie de ces auteurs qui ont le sens de l'intrigue. Quand on a lu les premières pages, on ne peut s'empêcher de lire les suivantes. Le style est fluide, la psychologie des personnages bien soignée avec cette délicatesse et cette finesse qu'ont spécifiquement les anglais pour exprimer un ressenti qu'ils ne maîtrisent pas à l'oral (ou du moins que leur tempérament et leur éducation ne leur permettent pas d'exprimer à l'oral) et le dénouement toujours étonnant.
Alors si vous avez déjà Emily et Charlotte Brontë, Jane Austen, Dickens et Wilkie Collins dans votre bibliothèque, n'hésitez pas à y ajouter l'indispensable Daphné Du Maurier... 
Plaisir garanti.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire