mardi 14 janvier 2014

La bibliothèque rose : un souvenir en commun... (partie 1)





On a tous un jour lu une histoire publiée dans la collection bibliothèque rose. Probablement à l'école ou à la bibliothèque municipale ou prêtée par un grand frère, une grande soeur ou une cousine, ou encore offert à l'occasion d'un séjour à l'hôpital. 
Aujourd'hui encore, quand on parle littérature jeunesse, on pense bibliothèque rose. Et pour cause, elle est l'une des fondatrices du genre et si des concurrents sont apparus sur le marché au cours des années soixante-dix / quatre-vingt, aucun d'eux ne l'a supplantée dans le coeur des gens.
Si on connaît bien la collection, en revanche on connaît moins son histoire. Et son histoire est celle d'une vieille dame de plus de cent cinquante ans d'existence. Une histoire longue et passionnante pleine d'anecdotes étonnantes. Je propose de vous la raconter aujourd'hui.

Louis Hachette
Si on dit que les voyages forment la jeunesse, vous allez voir que les voyages forment aussi la littérature jeunesse.
En 1852, Louis Hachette est un ex-libraire devenu éditeur heureux dans ses ambitions lorsqu'il rencontre le non moins heureux Comte de Ségur qui est, lui, Président des chemins de fer de l'est français. Outre une sympathie sincère et spontanée, des intérêts mutuels vont rapprocher ces deux hommes d'affaire à l'instinct affuté.
Louis Hachette est devenu en vingt ans l'éditeur incontournable de manuels scolaires et universitaires grâce à sa position géographique dans le quartier des écoles à Paris et à de nombreux appuis politiques.


Comte de Ségur
Le Comte de Ségur est un des Directeurs de la Société des Chemins de Fer oeuvrant dans le développement du réseau ferré et participant en cela à une révolution, la mobilité accrue des français ouvrant mille perspectives économiques et sociétales. 
Le premier, qui cherche à développer son empire et à se diriger vers une littérature de loisirs, pense alors que le livre, conçu de manière pratique et solide, pourrait bien être un passe-temps prisé par ces voyageurs de plus en plus nombreux. 
À l'occasion d'un voyage en Angleterre il a pu apprécier l'initiative d'un certain William Henry Smith qui a installé dans toutes les grandes gares anglaises des kiosques vendant des journaux et des livres aux voyageurs pressés. De retour en France il s'emploie à obtenir les licences, non sans difficultés, pour proposer le même service. 
Le Comte de Ségur fait partie de ses appuis. Son intérêt est professionnel mais aussi personnel. S'il voit bien qu'un service supplémentaire à ses usagers peut servir à améliorer l'image des chemins de fer en terme de confort, il pense aussi que son épouse, la Comtesse de Ségur, pourrait bien trouver là une maison d'édition qui consentirait à publier les nombreuses histoires qu'elle s'est mise à griffonner au fil des naissances de ses petits-enfants et spécialement inventées pour eux ( elle publie son premier livre à 56 ans).
Un des premiers relay
Louis Hachette lance donc ses premiers kiosques et y propose sa bibliothèque des chemins de fer identifiable entre toutes par ses petites dimensions et surtout ses six colories permettant de distinguer les collections. 
La colorie rose est choisie pour identifier la collection réservée aux enfants qu'il faut bien occuper dans le train pour la tranquillité des autres voyageurs. Rose couleur de l'innocence et de la pureté.

La Comtesse de Ségur
La Comtesse de Ségur va grandement participer à la popularité de cette collection nouvelle en l'alimentant régulièrement en histoires de petites filles modèles et autres nigauds qui font très vite le régal des enfants itinérants.
La bibliothèque rose illustrée a un style très XIX ème siècle au départ avec une version de luxe à la couverture rigide et au tissu rouge, doré sur tranche, richement illustrée en intra et une version bon marché à couverture souple rosée sans illustrations.
Elle gardera ce physique près de cent ans. 
C'est seulement en 1958 que la bibliothèque rose est rebaptisée "nouvelle bibliothèque rose" et prend l'apparence que nous lui connaissons.
Il faut dire qu'après deux guerres mondiales, la production était en baisse. Si certains ont été tenté au début du XX ème siècle, de faire porter la responsabilité de cette désaffection culturelle à la bicyclette devenue nouvelle marotte préférée des enfants (les instituteurs n'hésitaient pas à dénoncer aux parents les effets dangereux de ce nouvel outil du Diable qui décérébrait leurs enfants), il faut se rendre à l'évidence, c'est surtout que le monde a beaucoup changé et les enfants ont d'autres envies, d'autres attirances. C'est encore plus vrai pour les baby-boomers.
Il fallut deux générations de dirigeants pour que la maison Hachette réalise qu'il fallait rajeunir son image et renouveler son catalogue, l'enrichir d'auteurs en phase avec leur temps.
Il faut dire que la place de l'enfant a beaucoup évolué en un siècle. La scolarisation obligatoire qui remonte au 28 mars 1882 assure pour tous une même éducation de base (même si cela mettra encore cinquante ans à devenir effectif) et participe à un éveil intellectuel de plus en plus précoce.
Edition 1960 - 1970


Edition 1856

Edition 1950


Edition 1930

Edition 1980



Edition 2012

Edition 2000

D'autre part, le regard des adultes a, lui aussi, changé. Les pédiatres et psychologues comme Françoise Dolto ont beaucoup participé à cela. L'enfant est considéré comme une personne et les mécanismes du passage à l'adolescence sont de plus en plus pris en compte dans le cursus pédagogique mais aussi dans la publicité qui commence à les prendre pour cible.


De nouveaux auteurs émergent qui ont bien compris ce qu'attend cette nouvelle génération de lecteurs.
Si la Comtesse de Ségur fut l'un des piliers fondateurs de la bibliothèques rose, Enid Blyton, auteur britannique très populaire outre-manche, va être l'emblème de son renouveau. A suivre...

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