S'il est un illustrateur qui corresponde parfaitement à mon imaginaire, c'est bien Benjamin Rabier.
Je ne résiste donc pas à vous présenter aujourd'hui son travail pour continuer mon hommage aux illustrateurs.
Benjamin Rabier (1864-1939) |
J'avais
d'abord envisagé de vous parler de Léon Benett (1839-1916) qui fut
l'illustrateur le plus connu des romans de Jules Verne (il a illustré
pas moins de 25 de ses romans pour le compte des éditions Hetzel ) et
parce que nous avons tous un jour rêvé sur ses dessins. C'était le
spécialiste des illustrations exotiques, talent qu'il devait en partie à
sa fonction de conservateur des hypothèques pour l'état et qui l'amena à
voyager à travers le monde et à en ramener des croquis dont il
s'inspirera pour illustrer les plus grands auteurs (comme Hugo ou
Fennimore Cooper).
Mais il n'y avait pas grand chose à en dire, si ce n'est l'influence de Gustave Doré sur son trait.
Pareil
pour Maurice Leloir (1853-1940). Celui-ci a marqué notre imaginaire car
c'est souvent ses dessins qui ont représenté "les trois mousquetaires"
d'Alexandre Dumas sur les différentes collections que nous avons pu lire
les uns et les autres. Il était d'ailleurs avant tout réputé pour sa
passion du costume d'époque et en était devenu un spécialiste et un
collectionneur. C'est d'ailleurs comme ça qu'il eut l'occasion de
travailler à Hollywood comme conseiller sur les costumes des premiers
films épiques du début du cinéma (Douglas Fairbanks, acteur précurseur
des films de cape et d'épée et associé du grand Chaplin, l'embaucha).
Mais il travaillait surtout ses dessins sur photo et dans un objectif
encyclopédique (il a publié plusieurs ouvrages ou dictionnaires du
costume).
Alors revenons à l'illustration divertissante et passons à la couleur avec Benjamin Rabier, leur contemporain.
Et quelles couleurs!!
La
première fois que j'ai rencontré son œuvre, j'étais au Cours
Préparatoire. Les premiers bons points que j'obtins, c'était lui qui les
illustrait.
Puis
à 8 ans je lus Gédéon le canard sur un album à la couverture arrachée
que mon grand frère avait extirpé de la décharge sauvage qui se dressait
alors a l'entrée de mon village. Les pages étaient jaunies et tachées,
et sentaient même le feu de bois auquel elles avaient sûrement échappé,
mais je me suis régalé à leur lecture (même si les rats et les souris
avaient dévoré la fin !).
Et
son humour surtout, très caustique. Cet univers un peu naïf et cette
touche de poésie me séduit encore aujourd'hui et je feuillette de temps
en temps l'intégrale de Gédéon miraculeusement ressuscitée à la faveur
d'un hommage lors d'une réédition en 1991 (merci priceminister).
Gédéon le canard |
En
effet à 25 ans il ren contre le succès en illustrant plusieurs magazines
français. Mais son talent s'exporte avec plus de réussite encore aux
États-Unis et en Grande-Bretagne où son humour séduit.
Il
travaille surtout comme caricaturiste et humoriste pour des journaux à
sensibilité socialiste. En 1903 il va créer quelques personnages pour
les enfants et être publié dans des magazines comme la jeunesse
illustrée. Cette expérience l'aiguille peu à peu vers ce lectorat (la
naissance de ses trois enfants entre 1895 et 1911 n'y est certainement
pas pour rien).
En 1906 il illustre les fables de la Fontaine. Son interprétation toute en finesse reste l'une des plus savoureuses.
Hergé
dira plus tard :« J’ai été immédiatement conquis. Car ces dessins
étaient très simples. Très simples, frais, robustes, joyeux, et d’une
lisibilité parfaite. En quelques traits bien charpentés tout était dit :
le décor était indiqué, les acteurs en place ; la comédie pouvait
commencer. »
Benjamin
Rabier fait un voyage à moto en Russie, périple très commenté par la
presse de l'époque. Hergé s'en inspirera pour la première histoire de
son Tintin : "Tintin au pays des Soviets".
Rabier
ne tient pas en place (en plus de son job d'illustrateur, il travaille
toujours aux Halles et trouve le moyen d'être contrôleur au nouveau
cirque de Paris le soir, pour lequel il devient même pendant un temps
acrobate jongleur) et il devient l'un des premiers producteurs de
dessins animés en 1916 et puis publiciste ; il crée des affiches et des
petites animations pour des produits du moment. C'est en 1924 qu'un
dessin de Rabier est choisi pour illustrer une boîte de fromage crémeux.
C'est la vache qui rit. On lui doit aussi à la même période la baleine
des salins du midi.
Devenu
dessinateur animalier, il lance une série d'albums contant les
aventures de Gédéon le canard. Il en dessinera 16 jusqu'en 1939, date de
son décès.
S'il
est souvent évoqué comme l'un des créateurs de la bande dessinée avec
son sens du découpage des scènes et le rythme qu'il y imprime, il reste
dans les esprits comme celui qui a donné aux animaux visage humain. Avec simplicité et authenticité,
beaucoup d'espièglerie mais aussi de poésie, il a
sans aucun doute contribué à changer le regard sur ces petites bêtes
qu'on appelle nos inférieurs .
Tiens, faudrait que je vérifie s'il était végétarien ce monsieur là...
Je le connais bien le Benjamin, forcément, je porte son patronyme ! C'était le nom de mon papa.
RépondreSupprimerMalheureusement Benjamin n'est pas mon aïeul, ce que je regrette infiniment évidemment.
Ce qui est drôle par contre c'est que mon chéri s'appelle Benjamin.
Quand j'ai passé mon entretien pour entrer en école de dessin publicitaire en 1992, on m'a demandé si je connaissais Benjamin Rabier. J'ai bien sûr répondu avec ce que je connaissais de lui à l'époque, à savoir la paternité de la Vache qui rit. C'est apparemment ce qui a motivé le fait que j'ai été prise !
J'espère pouvoir lui consacrer aussi un grand sujet sur mon blog un de ces 4.