On
a tous un jour lu une histoire publiée dans la collection bibliothèque
rose. Probablement à l'école ou à la bibliothèque municipale ou prêtée
par un grand frère, une grande soeur ou une cousine, ou encore offert à
l'occasion d'un séjour à l'hôpital.
Aujourd'hui encore, quand on parle littérature jeunesse, on pense bibliothèque rose. Et pour cause, elle est l'une des fondatrices du genre et si des concurrents sont apparus sur le marché au cours des années soixante-dix / quatre-vingt, aucun d'eux ne l'a supplantée dans le coeur des gens.
Aujourd'hui encore, quand on parle littérature jeunesse, on pense bibliothèque rose. Et pour cause, elle est l'une des fondatrices du genre et si des concurrents sont apparus sur le marché au cours des années soixante-dix / quatre-vingt, aucun d'eux ne l'a supplantée dans le coeur des gens.
Si
on connaît bien la collection, en revanche on connaît moins son
histoire. Et son histoire est celle d'une vieille dame de plus de cent
cinquante ans d'existence. Une histoire longue et passionnante pleine
d'anecdotes étonnantes. Je propose de vous la raconter aujourd'hui.
En
1852, Louis Hachette est un ex-libraire devenu éditeur heureux dans ses
ambitions lorsqu'il rencontre le non moins heureux Comte de Ségur qui
est, lui, Président des chemins de fer de l'est français. Outre une
sympathie sincère et spontanée, des intérêts mutuels vont rapprocher ces
deux hommes d'affaire à l'instinct affuté.
Louis
Hachette est devenu en vingt ans l'éditeur incontournable de manuels
scolaires et universitaires grâce à sa position géographique dans le
quartier des écoles à Paris et à de nombreux appuis politiques.
Le
premier, qui cherche à développer son empire et à se diriger vers une
littérature de loisirs, pense alors que le livre, conçu de manière
pratique et solide, pourrait bien être un passe-temps prisé par ces
voyageurs de plus en plus nombreux.
À
l'occasion d'un voyage en Angleterre il a pu apprécier l'initiative
d'un certain William Henry Smith qui a installé dans toutes les grandes
gares anglaises des kiosques vendant des journaux et des livres aux
voyageurs pressés. De retour en France il s'emploie à obtenir les
licences, non sans difficultés, pour proposer le même service.
Le
Comte de Ségur fait partie de ses appuis. Son intérêt est professionnel
mais aussi personnel. S'il voit bien qu'un service supplémentaire à ses
usagers peut servir à améliorer l'image des chemins de fer en terme de
confort, il pense aussi que son épouse, la Comtesse de Ségur, pourrait
bien trouver là une maison d'édition qui consentirait à publier les
nombreuses histoires qu'elle s'est mise à griffonner au fil des
naissances de ses petits-enfants et spécialement inventées pour eux (
elle publie son premier livre à 56 ans).
Un des premiers relay |
Louis
Hachette lance donc ses premiers kiosques et y propose sa bibliothèque
des chemins de fer identifiable entre toutes par ses petites dimensions
et surtout ses six colories permettant de distinguer les collections.
La
colorie rose est choisie pour identifier la collection réservée aux
enfants qu'il faut bien occuper dans le train pour la tranquillité des
autres voyageurs. Rose couleur de l'innocence et de la pureté.
La Comtesse de Ségur |
La
Comtesse de Ségur va grandement participer à la popularité de cette
collection nouvelle en l'alimentant régulièrement en histoires de
petites filles modèles et autres nigauds qui font très vite le
régal des enfants itinérants.
La
bibliothèque rose illustrée a un style très XIX ème siècle au départ
avec une version de luxe à la couverture rigide et au tissu rouge, doré
sur tranche, richement illustrée en intra et une version bon marché à
couverture souple rosée sans illustrations.
Elle gardera ce physique près de cent ans.
C'est
seulement en 1958 que la bibliothèque rose est rebaptisée "nouvelle
bibliothèque rose" et prend l'apparence que nous lui connaissons.
Il
faut dire qu'après deux guerres mondiales, la production était en
baisse. Si certains ont été tenté au début du XX ème siècle, de faire
porter la responsabilité de cette désaffection culturelle à la
bicyclette devenue nouvelle marotte préférée des enfants (les
instituteurs n'hésitaient pas à dénoncer aux parents les effets
dangereux de ce nouvel outil du Diable qui décérébrait leurs enfants),
il faut se rendre à l'évidence, c'est surtout que le monde a beaucoup
changé et les enfants ont d'autres envies, d'autres attirances. C'est
encore plus vrai pour les baby-boomers.
Il
fallut deux générations de dirigeants pour que la maison Hachette
réalise qu'il fallait rajeunir son image et renouveler son catalogue,
l'enrichir d'auteurs en phase avec leur temps.
Il
faut dire que la place de l'enfant a beaucoup évolué en un siècle. La
scolarisation obligatoire qui remonte au 28 mars 1882 assure pour tous
une même éducation de base (même si cela mettra encore cinquante ans à
devenir effectif) et participe à un éveil intellectuel de plus en plus
précoce.
Edition 1960 - 1970 |
Edition 1856 |
Edition 1950 |
Edition 1930 |
Edition 1980 |
Edition 2012 |
Edition 2000
|
D'autre
part, le regard des adultes a, lui aussi, changé. Les pédiatres et
psychologues comme Françoise Dolto ont beaucoup participé à cela.
L'enfant est considéré comme une personne et les mécanismes du passage à
l'adolescence sont de plus en plus pris en compte dans le cursus
pédagogique mais aussi dans la publicité qui commence à les prendre pour
cible.
De nouveaux auteurs émergent qui ont bien compris ce qu'attend cette nouvelle génération de lecteurs.
Si
la Comtesse de Ségur fut l'un des piliers fondateurs de la
bibliothèques rose, Enid Blyton, auteur britannique très populaire
outre-manche, va être l'emblème de son renouveau. A suivre...
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