Un otage décapité, le terrorisme - horrifiant - Un petit lapin blanc !
La guerre à nos portes - terrifiant - une colombe !
L'épidémie Ebola - Angoissant - un doudou !
Le climat qui se déglingue - affolant- la douceur du vent !
Quinze ans de boîte :"on ne sait pas ce qu'on va faire de vous." - humiliant - sifflet de carnaval et serpentin !
Les impôts explosent - décourageant - un arbre plein de fruits !
La famille dispersée - désolant - une table des amis et du bruit !
Un secrétaire d'Etat mauvais payeur - révoltant - un arc-en-ciel au milieu du jardin ! ...
Ciel
bleu, sucettes géantes, monstre gentil, serpentins, cravate géante,
petite souris qui parle, comptine, 1,2,3 soleil, gâteau rose, blédine...
La
liste est longue mais, ça ne vous aura pas échappé, le monde ne va pas
fort et il faut avoir le cœur bien accroché pour se pencher à son chevet
et avoir encore envie de le sauver. De quelque côté qu'on se tourne ce
n'est que grisaille et pessimisme. Alors on a tous nos méthodes pour
faire face à la morosité ambiante. Certains se noient dans les paradis
artificiels, d'autres dans la luxure, les achats compulsifs, le
bénévolat ou tout ça à la fois.
Moi
ce qui me convient le mieux c'est quand même le refuge de mon
imaginaire (il paraît que c'est le moins nocif.... À condition de savoir
en revenir sinon c'est Sainte Anne !!).
Je
suis atteint de ce que j'appelle "le syndrome de l'homme-orchestre".
Peut-être vous souvenez-vous de Rémy Bricka, le plus célèbre des
hommes-orchestre ? Il a enchanté nos émissions enfantines dans les
années 70-80. Magicien, musicien et poète ce petit homme en blanc jouait
des cymbales et de la grosse caisse entouré de colombes et de lapins
blancs, un sourire radieux sur le visage, poursuivi par une éternelle
pluie de confettis. Un simplet diront les uns, un passionné diront les
autres, un artiste, peut-être, tout simplement, saltimbanque jusqu'au
plus profond de son âme, vendeur de rêves.
Rémy Bricka |
Eh
bien Rémy Bricka est mon homme-orchestre, ma sauvegarde contre le monde
et ce qu'il a de plus moche. Il arrive sans crier gare dans mon esprit
dans les moments les plus difficiles. Il donne un bon coup de cymbale et
hop, c'est parti, je m'extrais de mon corps et je le suis sur ce chemin
tout blanc comme Dorothy suit l'épouvantail décérébré sur la route de
briques jaunes. Ne reste plus que mon corps désincarné qui continue de
sourire et d'affronter un ami mourant, un client agressif, un quotidien
tourbillonnant, une actualité sclérosante. J'ai cette capacité à me
détacher du réel et à partir à la recherche de sentiments positifs,
d'éléments de pureté qui, une fois mon panier rempli, vont me permettre
de remettre en fonction le physique et d'affronter (ou pas !) la dure
réalité.
Déconcertant,
dites-vous ? Oui, pour mes proches très probablement. Mais ce petit
garçon qui lâche la main de l'adulte que je suis pour suivre
l'homme-orchestre revient toujours pour me la reprendre et m'inviter à
avancer. Son énergie à ce gosse est phénoménale.
Il
m'a emmené récemment à la fête des 40 ans de Casimir et j'ai récolté
plein d'indices pour terminer ma carte d'accès à l'île. Je la trouverai
un jour, je la trouverai cette putain d'île !
Même
si le monstre orange et l'homme orchestre blanc viennent encore me
visiter le mécanisme s'est accentué depuis que j'ai créé mon propre
univers : celui des M and P´s. Ma table d'écriture reçoit mes visites de
plus en plus régulièrement car je dois finir mon histoire pour que vous
m'y rejoignez mais aussi car c'est un réel plaisir de m'y retrouver...
et d'échapper à ici.
Là-bas
tout est maîtrisable même si tout n'est pas rassurant (y'a quand même
des mystères et des drames à résoudre pour la bande).
Alors
pour mon entourage, c'est pas toujours facile quand à la question :
"Comment on va faire pour payer les impôts ?", je réponds : "Comment je
pourrai faire pour introduire un tamanoir dans le cirque ?", ou quand,
inquiet, on me dit : " Ouh la, ça n'a pas l'air d'aller, tu as eu une
dure journée ?", je réponds : "Non, ça va pas fort, j'ai fait mourir un
de mes personnages aujourd'hui."
J'avoue,
je me suis échappé un peu de vous ces derniers temps et c'est pas bien,
même si c'était nécessaire. Il y a ces heures passées à laisser mon
crayon courir sur le papier, ces heures de remise au propre à taper sur
ma tablette "Le clown ne rit plus" pour vous le rendre lisible, et puis
ces heures à imaginer l'articulation du prochain chapitre, sa logique,
ses écueils, ses personnages, ses dialogues, ses rebondissements et sa
chute.
Ma
vie fictive et ma vie réelle s'enchaînent tel le va et vient d'un yo-yo
perpétuel me laissant quelque fois un agréable tournis ou une nausée
malvenue.
Mais
j'ai trouvé un sens à ma vie : vous procurer du rêve, du
divertissement. Alors tout me devient plus supportable grâce à vous
lecteurs qui, je sais, me lirez à un moment donné et vous échapperez un instant de
la grisaille ambiante.
Et je me rappelle ce qu'un jour enfant je me suis dit :
"C'est décidé, quand je serai grand, je veux être homme-orchestre ou Monstre Orange... Au choix !"